« REBONDIR GRÂCE À L'AOP CANTAL EN FAISANT LE PARI DU COLLECTIF »
LE GAEC AYMAR FAIT PARTIE DU GIE CHÂTAIGNERAIE ABANDONNÉ PAR 3A. C'EST EN GARDANT LE CAP DE L'AOP CANTAL, L'UN DES PRODUITS SUR LESQUELS MISE LE GIE, QUE L'EXPLOITATION SE PROJETTE.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
IL Y A UN AN QUE LES ÉLEVEURS DU GIE CHÂTAIGNERAIE savent que le groupe 3A va arrêter de les collecter à compter du 1er avril prochain. David Aymar est de ceux-là : « À l'annonce de cette nouvelle, nous n'avions pas d'autre solution que de “prendre le taureau par les cornes”. » Le jeune est installé depuis 2000 en Gaec avec ses parents, Marie et Fernand. « C'est ce que nous avons fait en lançant une gamme de produits transformés dont nous assurons la conception, la promotion et la commercialisation au sein de notre GIE, qui date de 1994. » Pour les 70 producteurs concernés, le challenge est d'envergure : écouler par leurs propres moyens d'ici à cinq mois les 20 millions de litres (Ml) de lait. « Il ne servait à rien d'attendre la date butoir pour commencer à agir », souligne Joël Guillemin, responsable du GIE. Un début de solution a été trouvé pour la moitié du litrage transformé à façon par une laiterie : 3 Ml en mozzarella et a priori 7 Ml en AOP cantal pour 2013. Pour le litrage restant, vendu sur le marché Spot, il y a urgence pour le GIE à élargir la gamme de produits transformés vendus sous la marque L'Éleveur Occitan. En effet, ces 10 Ml pèsent lourdement sur le prix du lait mutualisé payé aux producteurs.
« SÉCURISER LE REVENU AVANT DE PRENDRE LE RISQUE D'INVESTIR »
Pas simple pour David Aymar, de se projeter dans l'avenir, dans ce contexte tourmenté. Il est sûr d'une chose : la viabilité de son exploitation passe par un prix rémunérateur et arrêtant de jouer au yo-yo entre 250 et 350 €/1 000 l. « Ces fluctuations économiques m'empêchent de prendre le risque d'un investissement lourd à long terme, sur la construction d'un bâtiment par exemple. En effet, l'annuité, elle, sera fixe ! », déplore-t-il.
Une autre évidence s'impose à lui depuis longtemps : « Sécuriser un système laitier dans une zone de montagne comme la nôtre passe par une transformation fromagère de qualité. Nous subissons certes des surcoûts de production, mais nous avons aussi la chance de pouvoir prétendre à deux appellations. » Il a d'ailleurs adhéré sans hésiter au nouveau cahier des charges de l'AOP cantal paru en 2009. Avec un système d'alimentation fondé sur l'herbe et le maïs, le jeune éleveur s'est adapté en augmentant la proportion de foin dans la ration quotidienne (5 kg de foin au lieu de 3 kg), complétée de 5 kg d'ensilage d'herbe et 5 kg de maïs ensilage. À l'année, les animaux bénéficient de plus de 150 jours au pâturage et consomment moins de 1 800 kg de concentrés par vache. « J'essaie de privilégier au maximum les surfaces en herbe. Les pentes assez nombreuses sur l'exploitation sont réservées au pâturage », souligne David. Le Gaec Aymar achète depuis quinze ans des amendements organiques pour doper la fertilité des sols et traite la litière de l'aire paillée avec un produit spécifique. « J'épands le fumier à partir de la fin du mois d'août. Je n'achète aucun engrais chimique », déclare-t-il.
Pour les prairies temporaires, l'éleveur a choisi un mélange multi-espèces afin d'optimiser et sécuriser le rendement par hectare. Il atteint 10 t de MS en année normale. La qualité de l'herbe et du foin semble au rendez-vous à ses yeux. Témoin, l'appétence du foin et l'absence de refus au pâturage. « Sur un plan quantitatif, nous avons de l'herbe jusqu'en décembre », apprécie-t-il.
« 2 HA DE MAÏS ENSILAGE SONT ENRUBANNÉS »
Six hectares sont consacrés au maïs ensilage. La famille Aymar en stocke deux en balles enrubannées. « Malgré un coût d'enrubannage de 19 €/t, ce premier essai sera reconduit. Car, avec seulement 35 vaches, j'ai trop de gaspillage sur le front d'attaque d'un silo classique. La distribution des balles est facile. Je les déroule devant mon cornadis, sans dépenser de fuel. »
Supprimer le maïs de l'assolement a été tenté mais « les charges en concentrés ont grimpé. Il serait dommage de se priver du maïs car nos sols se prêtent bien à cette culture. Et il sauve les stocks en cas de forte sécheresse », précise David, dont l'objectif est de privilégier une autonomie maximale. Avec 6 ha, il a doublé cette année la surface consacrée aux céréales, toutes autoconsommées. Depuis dix ans, 10 ha sont emblavés l'hiver en méteil (blé + triticale + épeautre + avoine + pois fourrager + vesce) Quatre hectares sont ensilés le 25 mai (8 t de MS/ha) et 6 ha sont moissonés fin juillet. Le correcteur azoté est fabriqué à la carte à la minoterie Jambon, à Murat. « Nous travaillons en confiance avec eux depuis quarante ans, », apprécie David, qui utilise un complémentaire azoté composé de deux tiers de soja et d'un tiers de colza. Un peu de lin a été rajouté l'an passé pour améliorer la fécondité et les taux. Cette année, l'éleveur en fera l'économie pour compenser un peu la hausse du prix des matières premières. D'autant plus que 2011, marquée par une forte sécheresse, a creusé la trésorerie. « Nous avons dû digérer un trou financier de 12 000 € avec l'achat de 25 t d'aliments et de luzerne, 20 t de paille et des méventes en animaux reproducteurs. Nous avons perçu en tout 1 038 € d'indemnité sécheresse ! »
« LA RACE BRUNE CONVIENT BIEN »
Déjà attiré par la race brune qu'il a fait entrer sur l'exploitation familiale avant de s'installer, David rentre très motivé d'un stage chez un éleveur de brunes dans l'Aveyron. Il revient avec quelques embryons de la famille Brast dans ses bagages pour son futur cheptel. « En plus de l'aspect affectif de mon choix, les performances laitières de cette race sont particulièrement adaptées à la destination de notre lait », sourit le jeune éleveur qui entend bien par ce biais faire progresser un taux protéique qui affiche pour l'heure une moyenne de 32,4. Le troupeau de 40 laitières est composé aux deux tiers de prim'holsteins contrôlées en 2011 à 7 682 kg à 30,9 de TP et 37,3 de TB, et d'un tiers de brunes à 7 413 kg à 33,9 de TP et 39,8 de TB.
« NOUS MANQUONS DE PLACES DANS NOTRE BÂTIMENT »
David espère bien élever, à terme, autant de brunes que de prim'holsteins, voire inverser les proportions actuelles. Les deux troupeaux sont inscrits et leur sélection dûment réfléchie. Les mamelles et le lait sont les deux critères retenus en prim'holstein avec l'utilisation de taureaux américains et canadiens. Pointé à 85 points, l'élevage est classé dans les cent premiers au niveau national. Chez les brunes, même rigueur sur la sélection des mamelles. Le troupeau, conduit à 100 % en insémination artificielle, utilise désormais des semences sexées sur les génisses qui vêlent toutes à deux ans. Le taux de renouvellement atteint 40 %. Les vaches de réforme sont généralement vendues pour l'élevage. David a aussi choisi de faire vêler toutes ses génisses. « J'ai besoin de cette période pour suivre l'évolution de mon troupeau. Le vêlage à deux ans est une bonne méthode pour avancer plus vite : j'ai trois générations au lieu de deux sur une vache de six ans. »
Les vêlages sont étalés sur l'année pour compenser le manque de places dans le bâtiment principal, une stabulation libre sur aire paillée de 25 x 15 m, construite à l'origine en 1986 pour faire de la repousse de broutards. Des vêlages à deux ans permettent aussi de réduire globalement le nombre d'UGB à loger sur l'exploitation. « Je dispose de 36 places au cornadis. Il m'en faudrait au moins 40 aujourd'hui. » La salle de traite en 2 x 4 postes avec décrochage automatique présente une bonne fonctionnalité. Le projet d'un bâtiment neuf plus grand et plus fonctionnel trotte dans la tête de David. Pourquoi pas avec des panneaux photovoltaïques ? À voir quand la situation du GIE se sera définitivement stabilisée. Une chose est sûre : la famille Aymar privilégiera l'auto-construction et conservera, dans un premier temps, l'aire paillée par souci d'économie et de prudence financière. « Même avec des logettes, nous continuerons à faire du fumier que nous valorisons bien sur nos parcelles », souligne David. Toutes les génisses et les 15 vaches allaitantes salers sont menées dans un bâtiment traditionnel basé à 2,5 km sur un deuxième site. « Nos 68 ha de SAU se situent entre ces deux bâtiments, c'est pratique et peu onéreux en déplacements. Nous n'avons jamais opté pour l'agrandissement à tous crins : plus de terres, plus de vaches, plus de références ! Nous préférons bien faire ce que nous faisons. Cela n'empêche pas que nous nous posions pas mal de questions car 300 000 l de quotas pour trois personnes, c'est juste, surtout quand le prix du lait chute à 270 €/1 000 l ! Mais nous voulons croire à une bonne valorisation du lait dans un pays comme le nôtre. Le virage pris dernièrement au sein du GIE nous donne envie d'aller de l'avant, car c'est le sens véritable de notre métier. C'est l'occasion de redevenir maître de notre produit. »
« PROCHE D'UN TOURNANT DANS MA CARRIÈRE »
À moins d'un an du départ à la retraite de son père, qui sera suivi par son épouse, de nombreuses questions se posent quant à l'avenir de David. « En me retrouvant seul, 300 000 l de production peuvent me suffire. En revanche, il me faut revoir mon organisation car la charge de travail va être très conséquente. » Première remise en cause : le double troupeau du Gaec. Quinze salers vêlent durant l'hiver pour une production de broutards vendus en Italie et de génisses finies commercialisées en label rouge. « La complémentarité des deux troupeaux est réaliste, d'autant plus quand le marché de la viande se porte bien, souligne David. Malgré tout, spécialiser le système en lait en abandonnant les salers me simplifierait la tâche. » Les broutards salers purs ont affiché 2,44 €/kg vif cet automne, et le prix au kilo de carcasse des génisses et jeunes vaches vendues sous label rouge est de 4,42 €/kg en 2012.
Ce choix où se mêlent l'affectif porté à la race du pays et les raisons économiques d'une production de viande, en particulier sur un signe de qualité porteur de valeur ajoutée, fait encore hésiter David. Le nombre de PMTVA inférieur au nombre de vaches détenues ne plaide pas en faveur de leur maintien sur l'exploitation. Remplacer les allaitantes par des laitières reviendrait à pouvoir produire du lait supplémentaire sans avoir besoin d'augmenter ni la surface ni la charge de travail. En revanche, une conversion des droits à produire ne sert plus à rien à l'horizon de la suppression des quotas en 2015. « Je ne bougerai pas d'ici là, car nous avons encore trop d'incertitudes sur la nouvelle Pac. Je ferai peut-être glisser les PMTVA sur des brunes conduites en allaitantes car elles y sont éligibles, explique David. Augmenter le nombre de vaches supposerait un agrandissement du bâtiment ou la construction d'une structure neuve. Tout va dépendre de l'avenir du secteur laitier, ou plutôt fromager dans lequel nous nous engageons avec le GIE. La survie de nos petites exploitations de montagne passe par une création de valeur ajoutée. Nous ne sommes pas faits pour produire du lait s'acheminant sur le marché mondial. Nos entreprises l'ont d'ailleurs compris avant nous ! »
Pour David, l'idéal serait à terme de trouver un associé et d'asseoir son système sur des bases solides avec un prix stable et rémunérateur du litre de lait. « D'autres y réussissent dans un département voisin », souligne l'éleveur en faisant référence à la coopérative Jeune Montagne de Laguiole, dans l'Aveyron, qui avec son fromage AOC laguiole et la tome fraîche destinée la fabrication d'aligot, assure un prix du lait à ses adhérents aux alentours de 450 €/1 000 l. « Travailler avec un associé me plairait pour les échanges et le partage des responsabilités. J'ai bien l'intention aussi de consacrer du temps à ma famille, même si mon métier d'éleveur est une passion. »
MONIQUE ROQUE MARMEYS
À 650 m d'altitude moyenne, la Châtaigneraie, propice à la culture du maïs, est un bassin laitier.
La famille Aymar accorde un soin particulier à l'hygiène de la traite effectuée dans une 2 x 4 postes avec décrochage automatique. Ses efforts sont payants. Le lait livré toute l'année 2011 a été classé en super A.
Les brunes constituent un tiers du cheptel. L'objectif de David Aymar est d'améliorer les résultats de taux protéique... un objectif cohérent avec la destination finale de son lait transformé en fromage.
Les salers conduites en allaitantes offrent un revenu complémentaire avec une diversification en viande. Leur avenir dépendra de l'après- Pac 2015.
Conformément au cahier des charges de l'AOP cantal, les génisses de renouvellement sont élevées sur l'exploitation. Elles vêlent toutes à 2 ans.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :